« En vivant à leurs côtés, en apprenant leur histoire et leurs traditions orales, on a une image plus équilibrée et plus juste de la réalité des communautés inuites, et c’est une richesse incroyable pour notre pays. »
EMPLOI
Médecin
ENDROIT
Nunavut
Qu’est-ce qui vous a fait déménager au Nunavut?
J’avais fait des stages comme étudiante au Nunavik (Puvirnituq, Inukjuak) et au Nunavut (Iqaluit, Pond Inlet) et j’ai été fascinée par la pratique ici. Le travail est stimulant parce qu’on travaille dans un environnement complètement différent avec des ressources limitées; la courbe d’apprentissage est exponentielle. Ça permet de vraiment grandir comme professionnelle et d’outrepasser ses limites. J’aimais cette adrénaline des évacuations aéromédicales, qui pousse à développer l’instinct du terrain et des urgences possibles en régions éloignées.
En peu de temps, les relations humaines qu’on développe sur place sont profondes. J’aimais le côté rassembleur de ces espaces par son caractère où on se sent, tels des voyageurs, expatriés. J’ai décidé de m’y installer, car j’ai été profondément touchée par les communautés inuites avec lesquelles j’ai travaillé. Je me sentais privilégiée d’avoir accès à leur terre et leur culture. On se sent vivre intensément ici et le territoire est des plus apaisants.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus? Qu’est-ce qui vous fait rester?
Le territoire nordique attire souvent des passionnés et des explorateurs; il rassemble de beaux êtres humains d’avenues différentes. J’ai l’impression de vivre intensément, tout en vivant tellement de calme dans cette nature unique.
J’aime le côté aventurier : le territoire est si vaste et on se sent si petit devant celui-ci. Le camping y est authentique, parsemé de renards arctiques, de passages de caribous et d’aurores boréales. Il y a des rivières et des fjords pour pagayer; le ski hors-piste attire les plus réfractaires et les débutants les plus effarouchés. On passe beaucoup de temps à se rassembler autour d’un bon repas ou d’un feu de camp. Les liens se tissent rapidement et on apprend beaucoup sur nous-mêmes.
J’adore les communautés inuites, leur résilience et leur art, du fond du cœur. J’aime voir les liens entre les mushers (propriétaires de chien de traîneau) et leurs chiens, les voir partir dans les conditions les plus arides et voir comment un tel animal peut être un compagnon de survie et un allié.
Comment diriez-vous que vous avez changé? Comment votre vie a-t-elle changé depuis que vous êtes arrivée?
En ce qui concerne ma carrière, je sais que j’aurai été exposée à bien plus que je ne l’aurais été en métropole avec un accès à toutes les ressources. À travailler avec plus de limitations (pas de spécialiste, pas d’imagerie, pas de laboratoires), on développe un instinct de terrain unique. J’ai vécu plusieurs urgences et situations critiques que je n’aurais jamais pu gérer en première ligne au Sud, et le fait de devoir y faire face m’a fait rapidement gagner beaucoup d’expérience médicale et de la confiance dans ma jeune pratique.
J’ai également appris à garder mon calme dans des situations hors de mon contrôle et à accepter humblement de ne pas être à l’aise dans toutes les situations. Le travail d’équipe est nécessaire ici, et je suis reconnaissante plus que jamais de la contribution de mes pairs infirmiers, inhalothérapeutes, sages-femmes, pilotes, etc.
J’ai appris à laisser les choses aller. En changeant d’environnement, on apprend également beaucoup sur nous-mêmes et nos interactions avec les autres. Ça nous fait prendre du recul cette vie qu’on met sur pause en quittant un lieu, et c’est une excellente façon de faire une introspection sur celle-ci et de s’épanouir comme personne.
Le territoire nordique me donne envie de toujours explorer plus loin, de découvrir la pêche, de développer mes compétences de survie en nature, de me réapproprier la vie près de la terre, et d’apprendre à moins gaspiller et à moins consommer.
Quelles sont les plus belles opportunités, selon vous?
Les plus belles opportunités sont l’accès à un équilibre de vie entre l’aventure, les relations humaines profondes et un développement professionnel hors du commun.
Quelles sont vos principales activités ou passions?
J’aime le camping, les hikes/trekking, la course sur route et hors terrain, les feux de camp, les soirées entre amis, le ski de fond et le ski hors-piste. Je me suis nouvellement initiée au fatbike pour pédaler dans la toundra. J’aime aussi beaucoup pagayer sur l’eau, observer le ciel et la vie sauvage, et cuisiner. Je me suis remise à lire des livres et je consomme moins d’électronique.
Pourquoi recommanderiez-vous à quelqu’un de venir vivre au Nunavut ?
Peu de gens ont accès au territoire et à la culture inuite, et c’est primordial d’être exposé pour comprendre l’essence de ce peuple extraordinaire. En raison de l’éloignement de ce peuple, je pense qu’il y a beaucoup d’ignorance et de conceptions erronées, et ça contribue à leur marginalisation.
Je pense sincèrement qu’en vivant à leurs côtés, en apprenant leur histoire et leurs traditions orales, on a une image plus équilibrée et plus juste de la réalité des communautés inuites, et c’est une richesse incroyable pour notre pays. C’est particulier de voir à quel point ils sont soumis à des conditions différentes des citoyens des autres territoires, et je comprends mieux maintenant la méfiance qu’ils peuvent éprouver à l’égard de nos institutions.
C’est très touchant de développer des liens avec les communautés; et quand ceux-ci se créent, ils sont profonds, honnêtes et beaux. Ça donne envie de protéger et de bâtir dans la diversité à l’intérieur de nos frontières.
Je pense également que l’accès à une nature aussi époustouflante crée un engouement pour le plein air, même pour les gens les plus réfractaires. L’hiver est incroyablement magique ici et rend cette saison beaucoup plus alléchante que dans les métropoles. Ceci donne envie de prendre soin de notre environnement. On sent les changements climatiques, car ils sont évidents ici. Et je pense qu’en vivant près d’un peuple aussi près de la terre, cela donne envie de protéger notre terroir canadien et d’être conscientisé à la survie de la nature.